Bribes de vie

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Balima (ou Anjil), c’est le nom donné à la cité ouvrière des mines d’Ahouli- Mibladen, jadis l’un des plus important gisement de plomb du Maroc, à l’abandon depuis une quarantaine d’année. Le site, accroché sur un plateau aride, à la jonction des chaînes du Moyen Atlas et du Haut Atlas oriental, est situé à 25 kilomètres de Midelt. A presque 400 kilomètres de cette citée oubliée, un autre lieu abandonné, Jerrada, le plus ancien site industriel minier d’Afrique du Nord, situé à une soixantaine de kilomètres au sud de Oujda et déserté, pour sa part, il y a une quinzaine d’année. Ici le plomb, là-bas le charbon, entre les deux, une histoire d’abandon et de résistance, une histoire de précarité et de dignité, mais aussi l’histoire d’une rencontre avec ces ouvriers de l’ombre qui n’ont d’alternative que de continuer à exploiter artisanalement ces mines. « Bribes de vie » c’est la première série photographique personnelle de Mehdy Mariouch, réalisée en dehors de toute commande et contrainte journalistique. Au-delà de leur valeur esthétique et de leur intérêt documentaire, comme témoins d’une situation et d’un vécu, ces «Bribes de vie » sont aussi les fragments d’une proximité perceptible avec les mineurs insoumis, de circonstances de rencontres, qui tiennent plus du partage et de la complicité que d’instantanés volés au passage. Les portraits de ces travailleurs clandestins témoignent de l’effacement et de l’humilité du photographe face à ces hommes, en même temps qu’ils marquent sa présence dans l’authenticité et la justesse de son regard. Ni voyeur, ni spectateur, Mehdy Mariouch propose une vision en immersion dans une existence fragile et abrupte sans jamais sombrer dans le misérabilisme et la mise en scène suggestive. Son regard est frontal, sans compromis, qu’il s’attarde sur un visage noirci ou un bâtiment désolé, mais toujours emprunt de poésie, d’émotion et d’une sorte de douceur… Celle de l’empathie bienveillante, respectueuse et admirative qui l’attache à ces récalcitrants de l’abandon et le pousse à revenir, pour explorer encore. Une exploration humble, patiente et mesurée, qui s’attarde sans intrusion, capte sans figer et partage sans artifice ; une démarche photographique à la lisière entre le sensible et l’objectif, là où se situe la réalité.
Texte: Florence Renault-darsi